Le vernissage, depuis le début de l’Atelier-galerie J.-J. Hofstetter, est un moment important, une fête. La réputation de l’homme n’est plus à faire dans le domaine. Jean-Marc Giossi la raconte dans Passion d’art. Ce soir, un repas suivra le vernissage, mais «peut-être pas jusqu’au bout de la nuit», sourit Jean-Jacques Hofstetter. Trente ans d’activité et assagi? «Non, mais je ne fais plus les mêmes cafés noirs qui finissaient à 3 ou 4 h du matin.» Le livre paru pour les trente ans de son activité réunit nombre d’images de ces vernissages, en ville de Fribourg. D’abord à la Samaritaine 22, ensuite des deux côtés de la rue, au 22 et au 23. Les artistes qui ont exposé dans l’Atelier-galerie défilent aussi: Passion d’art est d’abord un album de souvenirs. Patricia Comby, la compagne de Jean-Jacques Hofstetter, est à l’origine du livre. Après différents projets, elle a choisi avec lui de faire appel à différents observateurs du monde artistique fribourgeois familiers de l’Atelier-galerie – artistes, journalistes et professionnels de l’art – pour livrer leurs témoignages. Jacques Sterchi, journaliste à La Liberté, et Guy Tornay, graphiste, les ont épaulés dans la réalisation. On y trouve réunis les témoignages de Jean-Marc Giossi, Claude Pochon, Pierre-Alain Mauron, Patricia Comby, Margrit Hahnloser-Ingold, Yvonne Lehnherr, Jean-Dominique Humbert, Eliane Waeber Imstepf, Ruth Schmidhofer Hagen. Le livre laisse aussi une large place à la reproduction d’œuvres et à un cahier de photos de Guy Tornay, accompagnées des textes de Jacques Sterchi. La liste complète des artistes exposés conclut l’ouvrage. Sincèrement non figuratif Dans le choix des artistes qu’il expose, Jean-Jacques Hofstetter suit depuis trente ans une ligne non figurative – à de rares exceptions. Pour le reste, la démarche de l’artiste et sa personnalité comptent dans la décision d’exposer: «Je crois surtout aux artistes sincères», commente-t-il sobrement. Dans sa nouvelle galerie de la rue des Epouses 18, il peut accueillir trois artistes à la fois. Jusqu’au 25 février, les Fribourgeois sont à l’honneur: «J’alterne entre non-Fribourgeois et Fribourgeois. Ces derniers “marchent mieux”. Ils attirent plus facilement un public qui les connaît et sont donc moins risqués.» Les commissions sur les ventes varient beaucoup d’année en année, mais Jean-Jacques Hofstetter n’en a jamais fait mystère: avec la seule galerie, il ne «tournerait» pas. «Et ce malgré le sérieux avec lequel je pense faire mon travail et malgré les trente ans d’expérience.» Il vit donc en cumulant diverses activités artistiques: il est bijoutier et sculpteur, il donne des cours dans son atelier, il organise de nombreuses manifestations à l’enseigne d’Arts de faire, une association qui s’est développée dans le sillage des vingt-cinq ans de la galerie et de son installation en 2003 à la rue des Epouses. Le renouveau aux Epouses Les dernières années en Basse-Ville ont été parfois difficiles pour Jean-Jacques Hofstetter et quand on lui demande ce qui a changé en trente ans, il constate la désaffection de cette partie de la ville aujourd’hui: «Quand j’ai ouvert mon atelier en Basse-Ville, en 1972, il y avait de nombreux artisans, c’était juste après Mai 68. Les Fribourgeois y descendaient. Aujourd’hui, c’est passé de mode.» Il a traversé des périodes de doute: «Ma passion s’est parfois épuisée, je fatiguais. Quand personne ne passe alors qu’on est là tout le samedi, on se dit parfois qu’on aurait mieux fait d’aller se promener.» Trente ans après ses débuts, il constate encore qu’«il faut être fou pour continuer. A l’époque, la conjoncture était meilleure.» Et, d’après son expérience, «la nouvelle génération n’accroche plus de tableaux dans les appartements. Résultat: il est extrêmement difficile de renouveler la clientèle.» Il mène donc toujours une «vie risquée», financièrement s’entend. Mais il s’est toujours relevé, parfois parce qu’il a eu de la chance, comme avec sa nouvelle galerie: «Je l’ai vécu comme un renouveau. J’ai eu une chance énorme de trouver ce local idéal pour exposer grâce à une propriétaire qui a été vraiment merveilleuse.» Pendant notre entretien, celle-ci passe sa tête par la porte pour saluer le galeriste. A côté de cette chance qui lui a parfois souri, Jean-Jacques Hofstetter trouve aussi son énergie dans son propre travail de créateur. Il s’anime en parlant de sa nouvelle passion. Il s’est mis à peindre et à dessiner. Il exposera cette année dans sa galerie: «J’ai discuté avec le patron, il était d’accord, éclate-t-il de rire. Je fais des choses tellement variées… Dans le dessin et la peinture, je travaille dans la continuité de mes bijoux. Dans de telles activités, je retrouve toujours de l’énergie.» Et puis, de toute façon, «je ne pourrai pas vivre d’autre chose, je ne sais rien faire d’autre». Passion d’art. 30 ans de l’Atelier-galerie J.-J. Hofstetter. Expo jusqu’au 25 février, jeudi et vendredi de 14 h à 18 h 30, samedi de 10 h à 12 h et de 14 h à 16 h Regards croisés Jean-Marc Giossi, 55 ans, photographe, premier artiste exposé par Hofstetter en 1975: «Jean-Jacques Hofstetter occupe une place extrêmement importante pour les artistes fribourgeois. Il a permis à quantité d’entre eux de montrer leurs œuvres dans de très bonnes conditions et fait un travail énorme pour faire venir une clientèle dans sa galerie. Il a créé autour de lui un groupe de personnes intéressées par l’art et a attiré vers l’art des gens qui ne fréquentaient pas encore les galeries.» Pierre-Alain Mauron, 50 ans, dessin encre et crayon: «Jean-Jacques est devenu un ami. Il privilégie toujours le contact et c’est ce qui rend sa galerie si particulière. Il est aussi fidèle en suivant le travail des artistes sur de longues années. Et, en étant lui-même artiste, il comprend la vie qu’on mène. Pour moi, c’est essentiel d’avoir un homme comme lui. Il est un galeriste atypique grâce à ce sens du contact et au suivi des travaux des artistes.» Véronique Chuard, 25 ans, sculpture sur métal: «J’ai exposé à la galerie au mois de mai 2005. Jean-Jacques Hofstetter est un peu mon mentor. Il m’a découverte dans un concours et m’a proposé ma première exposition. Il m’a aussi offert de partager son atelier et il m’a poussée. Je ne connaissais pas encore très bien sa galerie, mais en lisant le livre, je ne peux qu’admirer sa carrière.»

Charly Veuthey
24 janvier 2005